4 mars 2016 Yves Lines

Le Départ Volontaire

LE DÉPART VOLONTAIRE

Dans tous les chemins du deuil, il en est un aussi qui peut marquer plus particulièrement. Tous ceux qui ont eu à vivre le « départ » d’un être aimé pour l’autre rive de la vie, connaissent les sentiments qui nous agressent dans ce terrible évènement : désespoir, douleur, immense peine qui déchirent l’âme. Puis l’esprit prend le relais lorsqu’arrive insidieusement le moment terrifiant où défile, pour ceux qui restent, le film de l’existence. Le découpage des instants vécus avec lui, dans lequel le moindre petit détail dans ce que nous jugeons comme des manquements à son égard, prend des proportions considérables ou même démesurées, et nous précipite un peu plus bas dans la géhenne de nos émotions. C’est l’instant inéluctable de cette nouvelle phase dans notre douloureux cheminement : la culpabilité.

Cet état affectif est porté au paroxysme lorsque le départ de l’être cher est un « départ volontaire. » Le suicide laisse ceux qui y sont confrontés face à un autre abîme d’incompréhension, par les maintes interrogations qu’il soulève, et auxquelles ne peuvent plus que répondre les hypothèses. Les pourquoi sont incommensurables d’ignorance et de terreur. C’est principalement le Chemin de Croix des parents qui ont vu un enfant partir de son libre arbitre.

Ces pourquoi se bousculent dans une suite de suppositions : « Qu’ai-je fait ? … Qu’ai-je dit ? … Que n’ai-je pas fait ? … Qu’aurais-je dû dire ? » … Cette trame, je l’ai vécue en spectateur impuissant lorsque maman a vu aussi quelques années avant son départ, mon frère, son enfant aussi, rompre de sa propre volonté le fil de son existence terrestre. J’ai assisté, sans les entendre, mais je les devinais dans l’attitude, aux reproches qui lacéraient cruellement ses fibres maternelles. Et pourtant, combien sais-je maintenant que toutes ces tortures sont vaines, que tous ces déchirements sont destructeurs autant pour celui ou celle qui est parti. Mais qui peut-être assez fort face à un tel évènement pour ne pas sombrer dans une faiblesse légitime… ? De surcroît, et très souvent, force nous pousse malgré nous à prendre en considération, parce qu’ issu toujours d’un conditionnement nocif, dû à une certaine éducation, combien le suicide est porteur d’un lourd passif de valeurs préconçues et de préjugés. Tous ces jugements formés par avance qui restent encore empreints dans les esprits, et contre lesquels je m’élève souvent avec indignation. Il fut un temps ou l’église catholique romaine condamnait cet acte en ne donnant pas les derniers sacrements à ceux qui l’avaient commis. J’ai été amené dans une recherche sur ce sujet à lire divers écrits, à compulser plusieurs textes qui m’ont apporté un ressenti de consternation sur l’aberration parfois possible de la pensée humaine.

L’on sait que l’appréciation morale, qui a toujours été portée sur le suicide, varie selon les convictions individuelles, les peuples et les religions. Je pouvais lire dans un chapitre concernant l’histoire des sociétés, que dans l’acte de se détruire est apparue une forme de rupture du lien social : « … Incompréhension, solitude, exclusion, désespoir qui sont très souvent une des causes, renvoyaient la société à ce qu’elle n’avait pas réussi à faire pour garder un être au sein de la communauté. Ce lien qui unit l’individu à la société est si fort que pendant de nombreux siècles, choisir de mourir était considéré comme une atteinte à l’Etat et poursuivi comme délit. Aujourd’hui encore l’aberration persiste pour certaines législations anglo-saxonnes, où cet acte individuel qu’est la tentative de suicide peut faire l’objet de poursuites judiciaires. Dans les sociétés où l’on considérait que l’individu a des devoirs envers la collectivité, il était perçu comme un acte d’insoumission, comme un défi, car pour celles-là, nier le fait social en se donnant la mort, était le constat d’un échec. L’homme est le fondement de la société, et celle-ci ne pouvait que repousser un acte qui est l’expression d’une faillite, de sa faillite, en mettant en exergue ses travers et ses faiblesses. »

« Pour d’autres, comme les partisans de la doctrine d’ Epicure, le suicide était un défi que l’homme lance à la vie en reconnaissant qu’il lui appartenait de pouvoir choisir une mort digne plutôt que la déchéance. Pour eux, le suicide pouvait être l’acte noble et responsable de celui qui constate en toute lucidité qu’il ne peut plus ‘remplir sa tâche’. Les Stoïciens y voyaient, eux aussi, la marque suprême de la liberté. »

En ce qui me concerne, je me garderai de faire preuve de casuistique, cette science des cas de conscience permettant de juger si un problème relevant de la morale est bon ou mauvais. Mon ressenti profond, tout en gardant la conviction que la vie est le bien le plus précieux qu’il nous ait été donné, m’amène à penser sincèrement qu’il y a des faits ou des actes qui ne peuvent être portés à notre analyse ou à notre jugement, parce qu’ils sont au-delà de notre entendement. Je reste persuadé que la seule attitude qui doit répondre aux choses et aux évènements qui nous dépassent, est la profonde humilité de reconnaître une fois de plus que nous ne possédons qu’une infime partie de la compréhension. C’est dans cette optique que doit encore plus répondre le seul sentiment de tolérance.

J’ai été amené à contacter en transcommunication, à la demande de parents, un jeune homme parti de sa propre volonté. Lors du premier appel il donna pour eux le message suivant : « Et vous oublierez », parlant ainsi du geste qu’il avait commis.

Au dernier enregistrement effectué il ajouta encore : « J’ai dit d’oublier », Réitérant ainsi pour eux, qu’il était impératif qu’ils ne focalisent plus sur son acte, car leur état d’esprit le rendait malheureux, l’enfermant dans les conséquences de son geste, et leur rappelant une fois de plus combien les faits, les causes, et ceci en toutes choses, n’avaient plus de l’autre côté l’importance que nous leur annexons ici. Il confirmait aussi par ce message que maintenant tout était épuré de ce qui faisait obstacle à tendre vers l’acquis de l’essentiel, l’essence même du Divin qui est en nous, et qui seul doit subsister comme réalité. Et cette essence se nomme Amour. Ces deux messages obtenus quémandaient en filigrane à ses parents de ne plus se crucifier, car leur torture enfantait la sienne, et l’entravait dans la liberté de son esprit.

Cette vérité me fut confirmée par d’autres parents concernés, qui me firent parvenir une lettre écrite par leur enfant juste avant le suicide. Des lignes rédigées dans le dernier sursaut de lucidité que donne l’amour ; des mots, des phrases adressés comme une prière intimant la supplique à ceux qu’ils allaient laisser, de les pardonner, et de ne surtout pas en porter la culpabilité. Ils authentifiaient leur acte en affirmant qu’il n’était en rien la conséquence d’une quelconque déficience de leurs chers parents, qu’ils adoraient toujours, et qu’ils continueraient de chérir autant dans leur avenir éternel.

Vous ! qui peut-être avez été confrontés dans votre chair à ce dilemme qui vous a suppliciés par le raisonnement aux prémices de votre épreuve, ou des hypothèses contradictoires. Vous qui n’avez pas eu ce « dernier testament », soyez assurés, soyez certifiés, soyez convaincus que si votre enfant trouvait l’opportunité ou la possibilité de vous faire parvenir un message, ce serait celui-là et rien que celui-là !

Dans une conférence, où participait le Père François Brune, je me souviens de cette dame qui en fin d’intervention, à l’instant des questions/réponses, demandait dans la fébrilité qui trahissait une inquiétude nourrie par ce qu’elle avait pu entendre un jour de domageable, sur l’éventualité d’une punition divine, ce qu’il advenait après leur « passage » à ceux qui avaient fait un départ volontaire. François eut cette très belle réponse : « Si un être a commis cet acte, c’est qu’il était en grande souffrance morale ou physique, pourquoi voulez-vous lorsqu’il arrive de l’Autre Côté que Dieu, qui est tout Amour, en rajoute une couche ? »

Je tiens à ajouter un paragraphe primordial, un alinéa de mise en garde.

Quelques fois j’ai pu entendre de la part de personnes confrontées au départ volontaire d’un être cher, leur désir d’aller les rejoindre, de devancer l’appel aussi. Il faut alors faire une sérieuse mise en garde concernant ce funeste projet, et dire qu’un tel geste commis dans le dessein de retrouvailles anticipées, aboutirait à un effet tout à fait contraire. Nous en avons pour preuves divers témoignages unanimes émanant de Guides ou de personnes également dans l’ Au-Delà, ayant pour mission maintenant de dispenser un enseignement. Je puis entre autre, de même, citer le cas de cette maman qui après le décès subit de sa fillette de douze ans, avait planifié son départ pour aller la rejoindre, elle souhaitait en précéder l’heure bien plus rapidement. Elle avait gardé, mis de côté toute la médication prescrite par son médecin, tous ces cachets d’anti-dépresseurs destinés à pallier au choc du décès. Elle n’avait rien pris, mais tout stocké, afin que le moment décidé ces anxiolytiques avalés d’une seule prise, l’aident à faire le « passage ».

A quelques jours de la date planifiée, une jeune femme de ses connaissances qui possédait des dons de médiumnité, et qui communiquait avec son papa à présent de l’Autre Côté du Voile, par écriture automatique, lui fit la révélation d’un écrit qu’elle avait reçu depuis l’Invisible, et dont elle-même n’en comprenait pas la teneur. Le père se présentait cette fois comme un intermédiaire puisque celui-ci retransmettait plus exactement un message destiné à la maman, de la part de sa petite fille : « Maman ne fais pas ce que tu avais prévu, où tu ne me reverras pas ». Cette maman resta pétrifiée par un trouble tellement fort, qu’elle ne pouvait plus sur le moment réagir. Elle sut que le message venait bien de son enfant, puisque la jeune femme qu’elle avait devant elle ignorait absolument tout de son funeste projet, qu’elle avait nécessairement toujours tenu secret. Bien évidemment elle abandonna le dessein du départ volontaire qu’elle s’était programmé.

Ce fait que je viens de relater est conforme à ce que nous retransmettent les Guides, ou les Grands Messagers par l’intermédiaire des médiums, ou par toutes formes de contacts qui peuvent être établis. Aussi élevée, aussi dure que soit l’épreuve de la séparation par le « départ » d’un être cher, ne la rendons pas plus importante par un geste aux répercussions qui seraient inconsidérées et considérables ; car loin de nous rapprocher de nos aimés, le départ volontaire nous en éloignerait encore bien davantage.

Soyez assurés que ce que nous appelons la mort, n’est somme toute qu’une séparation provisoire, nous serons à nouveau réunis, mais à l’heure qui nous a été choisie, et non à celle que nous aurions éventuellement voulu décider.