4 mars 2016 Yves Lines

Nos Chemins de Croix

NOS CHEMINS DE CROIX

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Nous sommes très souvent dans l’association, confrontés soit par les questions qui nous sont formulées, soit par les personnes que nous sommes amenés à croiser dans leur dur cheminement, aux multiples interrogations que pose tel ou tel acte ou comportement antérieur à l’encontre d’un être aimé maintenant dans l’Invisible. Sur ce qu’il eût fallu accomplir ou ne pas faire, comme sur notre conduite après leur départ qui, dans leur « nouvelle vie », pourrait risquer de les peiner, de les contrister ou de les blesser. Plus même, créer en eux une douleur qui aurait encore pour conséquence d’augmenter la nôtre.

A ces questions intérieures qui sont, bien sûr, la résultante d’une compréhensible inquiétude dans notre Amour pour eux, vient se greffer de surcroît dans une convergence plus matérialiste, l’esthétique de la façade que doit avoir notre deuil aux yeux de ceux qui se sont envolés, comme au regard inquisiteur de ces autres qui évoluent ici autour de nous. Autant de pensées qui viennent ajouter le poids de leur pesant fardeau à celui déjà si lourd du départ de l’être cher.
Combien de fois avons nous entendu et même nous sommes nous dit : « J’aurais dû faire ceci ou agir comme cela,… avoir ce geste mais pas celui là, …j’aurais dû dire ces mots mais ne pas prononcer ceux là… » ? Tant de regrets et de pernicieux tourments qui accourent et font escorte au chagrin de l’absence pourtant en lui-même si intense. Un implacable chemin qui conduit à notre Golgotha.

Tous ces dilemmes intérieurs, tous ces cas de conscience nous ont aussi assaillis, agressés et emprisonnés dans les premiers temps de la douleur ; ils auraient sûrement fini par nous séquestrer si, dans nos quêtes personnelles que nous avons entreprises, nous n’avions pu trouver les réponses qui nous délivrèrent de nos angoisses, de nos peurs mais aussi de nos culpabilités.
Nous savons maintenant que tous les griefs, tous ces reproches que nous formulons envers nous-mêmes ne sont qu’erreurs et vains remords. Chacun de nous a songé ou pense encore à tous ces manques, comme à ces manquements qui nous accablent par la peur qu’ils font naître. Mais la peur de quoi ? Quelle peur ? Celle de craindre que l’Amour que nous portent ceux qui s’en sont allés devant, soit terni ou entaché ?
Ne serait-ce pas penser que cet Amour est bien frileux ? Non ! ! Soyez rassurés, l’amour, le vrai dont nous vous parlons, l’amour qui possède cette puissance oméga est à l’image de « CELUI » qui l’a crée et dont il est Source. Un Amour au-dessus de tout, au-dessus de nos doutes et de nos craintes, de nos fautes et de nos faiblesses aussi ; c’est de cet Amour dont sont pétris les êtres qui nous attendent.
De l’autre côté du voile ne nous disent-ils pas combien les sentiments sont magnifiés, parce que perçus épurés de tout ce qui les empêchait ici de tendre au paroxysme. C’est de cet Amour, de ces sentiments ressourcés que nous chérissent ceux qui nous seront rendus. Ce n’est point ces peurs, ces craintes, ces angoisses ou ces doutes qui peuvent faire vaciller de telles fondations ni fissurer un tel roc. Ils n’ont d’autres effets délétères et coupables que de peiner par le ressenti de la douleur que l’on se forge, ceux-là mêmes que nous voulons dans un bonheur indicible.

Nous sommes nature humaine, pétrie de force et de faiblesses, et peut-être faut-il penser que ces défaillances sont paradoxalement voulues, peut-être même salutaires serait-il aussi permis d’ajouter. Ce sont ces faillibilités qui vont conduire un autre à se pencher vers nous, à vouloir nous apporter son aide, nous soutenir, tissant ainsi des liens qui pourront également mener de l’amitié à un amour profond. Si nous n’étions que force, non pas physique bien sûr, mais d’esprit, ce potentiel ne nous emmurerait-il pas en nous même ? La force ne nécessite aucune aide, elle est ! et se suffit à elle-même, parant de tout, n’ayant nul besoin de quémander auprès de quiconque.

Donnons encore plus à ceux qui nous aiment maintenant, la possibilité de mieux nous aider. Tout ce qui peut nous submerger et nous amener à penser que ce furent autant de pierres manquantes ou de meurtrières dans la forteresse de notre amour pour eux, doit être exorcisé. Il est force de constater combien notre chemin de douleurs est jonché de roches tarpéiennes qui nous précipitent dans les limbes d’une négativité qui peut stigmatiser à tous les niveaux.

De même ne soyons pas subordonnés à des contraintes plus matérialistes qui sont souvent le fruit d’une perception faussée, à laquelle notre désarroi nous fait accorder une valeur qui ne devrait pourtant rester que toute relative. Ne focalisons pas sur le décorum que veulent et imposent les us et coutumes. Le chagrin et l’amour ne se mesurent pas, ni ne s’évaluent guère aux flots de larmes versées, ni à la qualité du bois du cercueil ou encore à la taille du caveau, comme au nombre de pots de chrysanthèmes déposés à la Toussaint.
Tout ce qui sert, souvent pour certains autres, qui nous regardent dans notre deuil, à faire monter le mercure au baromètre mesurant pour eux la pression de la douleur qui nous étreint et de l’amour que nous disions porter.

N’ayons qu’une seule optique, unique et primordiale, nous aimons nos chers Invisibles et ils nous aiment dans la même continuité, rien ne s’arrête avec un « Envol » mais tout s’amplifie et se sur-dimensionne quand le lien puissant de l’amour existe.
Nous n’avons jamais reçu dans nos contacts en transcommunication un quelconque message de reproche ou de rancœur. Les seuls réceptionnés pour une personne aimée, encore ici, qui se culpabilisait ou se flagellait l’esprit, étaient au contraire les messages qui rassurent et ceux qui réconfortent.
Cependant, qui pourrait blâmer après l’avoir vécu lui-même, tous ces pénitents qui s’engagent dans le labyrinthe de la douleur aux inextricables dédales qui rendent l’avancée périlleuse ? Même ceux qui savent que tous ces chemins de croix empruntés par nous, dans une des épreuves les plus terrifiantes qu’il soit donné, comme dans certains moments particulièrement pénibles de notre parcours terrestre, doivent conduire à une résurrection de l’esprit et non au calvaire de notre crucifixion.